Chapelle Saint-Jean Baptiste

Le terrain étant rendu quelque peu impraticable par une végétation particulièrement dense .Voici une photo de ce qu'il reste de la chapelle.

 

Il y avait autrefois, sur une éminence boisée qui domine les villages de Destry et Marthil, un superbe château, dont on montre aujourd'hui encore les vestiges , et dans les fossés duquel viennent s'abreuver les bestiaux qui paissent dans la campagne. Il était défendu par une énorme tour ronde ,dont le pied baignait dans l'eau des fossés et du haut de laquelle on découvrait toute la contrée .ce château était la résidence des comtes de Destry, dont le territoire s'étendait des sources de la seille jusqu'aux confins du pays Messin. Dans la première moitié du Xe siècle, le comte était un jeune et valeureux guerrier, d'une force et d'un adresse incomparables. Homme juste et habile gouvernant , en même temps qu'adroit chasseur et aimable convive , il avait réussi à gagner l'amitié du souverain et l'estime des grands. L'empereur des francs, qui venait tous les ans passer une partie de l'été dans son palais de Destry, considérait le comte comme l'un de ses meilleurs hommes de guerre et attribuait à sa bravoure maint succès des armes de l'armée franque. Au premier appel de son souverain, le comte de Destry accourait à la tête de ses hommes d'armes. Brave comme son épée et combattant toujours au premier rang, il entraînait à sa suite toute l'armée à la victoire. Aussi, pendant le séjour de l'empereur à Destry, le voyait-on constamment dans la suite du souverain. Dans les chasses auxquelles donnait lieu le séjour de l'empereur, et auxquelles prenaient part les nombreux seigneurs. Et dames de la cour, le comte était indispensable. Il s'y montrait organisateur sans pareil. Nul ne connaissait mieux que lui les fourrés du bois et les replis de terrain ou se réfugient les cerfs et les sangliers. Rien que sa présence à la tête des chasseurs était un gage de succès. Et cependant, quoiqu'il s'employât à faire fleurir dans le comté la justice et le bien-être, le comte n'était point aimé de ses vassaux. Les paysans ne parlaient de lui que tout bas, après le repas du soir, à portes closes , et ce que l'on entendait alors n'étaient pas des bénédictions. On fuyait à son approche ; au galop de son cheval noir les portes se fermaient, et les jeunes filles qui lavaient le linge à la fontaine s'empressaient de chercher un abri dans les maisons du voisinage .C'est qu'il circulait sur le comte des bruits fâcheux. Dans les derniers temps, nombre de jeunes filles et de jeunes femmes , remarquables par leur beauté, avaient disparu de la contrée, et les recherches de leurs parents avaient été inutiles. D'autres avaient été enlevées en plein jour par des hommes d'armes et emportées pour une destination inconnue .C'était , à n'en pas douter, le comte qui était l'auteur de ces rapts. C'est pour cela que les pères et mères prenaient grand soin de ne pas exposer leurs jeunes filles aux regards de leur seigneur, et que celui-ci traversait sur son passage des rues qu'on eut pu croire abandonnées par leurs habitants. On n'avait jamais osé porter plaint à l'Empereur ; cette démarche n'eut eu , en effet, aucun succès, et le crédit du comte à la cour était si bien établi que rien n'eut pu l'ébranler .Un jour le comte était venu chasser à la lisière de la foret qui s'étendait alors jusqu'à proximité du village de Destry. Il avait mis pied à terre et considérait de loin le magnifique palais qu'avait fait construire à Destry l'empereur des Francs, son souverain et son ami, lorsqu'un spectacle plus rapproché l'arracha à ses méditations. A quelques pas de lu, dans la fontaine de Holborn, dont les eaux limpides et glacées jaillissent en bouillonnant entre les racines du gros sorbier , une jeune fille se baignait les pieds. Ce n'était certes aucune des vassales du comte, il les connaissait toutes, et chez aucune d'elles il n'avait trouvé une beauté aussi parfaite. Du reste, la noblesse des traits et la richesse des vêtements semblaient indiquer une haute naissance. Elle avait probablement fait une longue course, car ses pieds aux attaches délicates avaient été ensanglantés par les ronces de la forêt. Le comte s'approcha d'elle et lui fit respectueusement ses offres de service. La jeune fille ne leva pas les yeux et ne donna aucune réponse. Le comte insista, puis, perdant toute mesure, il lui proposa de l'emmener à son château, de la couvrir de soie et d'or et de passer sa vie à ses pieds. Rien ne put tirer la jeune fille de son mutisme . Le comte n'était pas patient, et la résistance l'irritait. Tout à coup son caractère violent l'emporta. Il saisit la jeune fille, et après l'avoir placée en travers sur sa monture, monta à cheval et galopa vers son château. Il se dirigea immédiatement vers la tour ronde, y enferma sa proie et fit défense à ses gens d'y pénétrer. Le lendemain le comte alla à la tour. Il espérait que la jeune fille serait revenue à d'autres sentiments. Mais quand il pénétra dans le réduit ou il l'avait enfermée, il lut dans les yeux de la prisonnière tant de mépris qu'il n'osa renouveler ses propositions et se retira tout confus. Il se mit alors à aimer follement cette belle jeune fille qui se refusait si obstinément à ses supplications. Ses désirs violents s'étaient transformés. C'est à genoux maintenant qu'il eut voulu adorer la vierge qu'il avait si gravement offensée, et dont l'image ne le quittait plus. Ce fut en vain qu'il tenta de s'étourdir à la chasse. Aussitôt entré dans le bois il laissait flotter les rênes sur le cou de son coursier et s'abandonnait à sa rêverie, pendant que sa meute battait les taillis. Toute ses chevauchées le ramenaient infailliblement à la source de Holborn, à l'endroit ou il avait vu pour la première fois la jeune inconnue. Souvent il se jeta à ses pieds , la suppliant de lui pardonner sa violence et de devenir sa femme devant dieu. Il n'essuya que des refus. Enfin , après de longues années, la jeune fille promit à son ravisseur de devenir sa femme quand il aurait bâti, seul et de ses propres mains, à un endroit qu'elle lui désigna, une chapelle à saint jean- baptiste. Le comte accepta avec joie et se mit aussitôt à l'œuvre. La construction dura deux ans. Quand la chapelle fut achevée, et que le comte eut ainsi fait pénitence pour ses violences et ses déprédations passées, il eut la joie d'épouser la vierge que dieu lui avait envoyée pour le convertir .Le bonheur des époux fut sans mélange, mais ne dura que deux ans. Tout à coup la jeune femme tomba malade et mourut. Le chagrin du comte fut immense, mais dieu ne permit pas qu'il tombât dans le désespoir. Après avoir rendu les derniers devoirs à la morte, il abandonna son château et ses bien, et l'on n'entendit plus parler de lui. Mais peu de temps après, les habitants du pays virent s'établir à la chapelle de Saint-Jean un religieux de haute taille , portant continuellement le capuchon baissé et dont on ne put jamais entrevoir les traits. Il se construisit lui même, à coté de la chapelle, un étroite cellule et l'habita. Il y vécut jusqu'à un âge très avancé et y mourut en odeur de sainteté. Ce fut le premier ermite de Saint-Jean. Aujourd'hui la chapelle n'a plus d'ermite, mais le jour de le fête du saint, d'innombrables pèlerins venus des villages voisins se dirigent en longues files parmi les vignes vers le lieu saint. Les gens timorés, ceux qui craignent les ténèbres et qui n'osent pas sortir la nuit, demandent au patron de la chapelle la guérison de leur frayeur .Du splendide château du comte de Destry, au contraire, il ne reste rien, rien que quelques fossés remplis d'eau saumâtre, dans lesquels s'abreuvent les troupeaux, et quelques vieux murs dont les pierres effritées servent d'asile aux lézards de la forêt. (1)

 

 

 


(1)Légende tirée du livre de Mr L.MAUJEAN membre titulaire de l'académie de Metz .Histoire de Destry et du pays saulnois. 1913